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Lennie's,

Tribute to Tristano/Konitz/Marsh
 

Ludovic Ernault, saxophone alto - Pierre Bernier, saxophone ténor

Blaise Chevallier, contrebasse - Ariel Tessier, batterie

Jean-Christophe Kotsiras, piano et composition

          Un hommage aux trois géants du jazz que sont Lennie Tristano, Warne Marsh et Lee Konitz, voila la motivation première qui a poussé le quintet "Lennie's" à se rassembler afin de rendre compte de l'incroyable modernité et du swing indélébile de ces trois grands musiciens. Mais comment rendre hommage à l'heure actuelle sans tomber dans la pâle copie et tout en restant fidèle à l'esprit de cette musique ? La tentative proposée par Lennie's est de se réapproprier ce répertoire en y intégrant des phases d'improvisations, des plus acrobatiques aux plus ouvertes, des compositions personnelles et des temps libres dont personne ne peut prédire la note ni le rythme qui prendra place. Rendre au jazz cette place, en tant que musique vivante en constante mouvance et à la fois tellement riche de par son histoire, c'est perpétuer une tradition sans trahir la personnalité ni la sincérité de chaque musicien à l'œuvre dans chaque moment de jeu.

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Ludovic Ernault : saxophone alto

Pierre Bernier : saxophone ténor
Blaise Chevallier : contrebasse

Ariel Tessier : batterie

Jean-Christophe Kotsiras : piano/composition

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CHRONIQUE DE CONCERT DU 11/09/2022,
extrait du compte-rendu du Festival Comme ça vous chante,

"Sous le jazz, la musique", par Philippe ALEN :

"C’est donc d’une autre oreille, une oreille retournée, qu’après le second concert de l’Ensemble éphémère

(Clarke, Brahms, Schubert, Chostakovitch pour finir), nous avons retrouvé Jean-Christophe Kotsiras en quintet,

avec Lennie’s : Ludovic Ernault (as), Pierre Bernier (ts), Blaise Chevallier (b), Ariel Tessier (dms).

Une formation aussi classique qu’un quatuor à cordes pour un répertoire dû pour moitié à la plume de Kotsiras

et, pour le reste, aux piliers de la première garde tristanienne. Débuter par Anamnèse (Kotsiras), un thème

qui se fait en se défaisant et recourt pour cela à des jeux de miroir, était une façon de montrer que l’histoire du jazz est un réservoir auquel on accède par les plongées successives d’une remémoration toujours à recommencer, plongées qui constituent elles-mêmes les strates de cette histoire. La paire de saxophones, rompue à cet exercice d’ensembles où chatoie le timbre fantôme de leur unisson, donnait le ton par sa mise en place impeccable.

La batterie, elle, prenait l’air à la surface. Loin du retrait exigé par Tristano afin de ne pas briser la linéarité

de l’esthétique mise au point ni d’en contredire la répartition savante des accents, Ariel Tessier a imposé

sa présence de la première à la dernière note, dans un souci hyperréaliste du détail, au risque, pour autant

bien négocié, de la redondance. Le bref Marionette (Billy Bauer) qui suivit jeta un nouvel éclairage sur les possibilités du quintet en dissociant le trio rythmique des souffleurs, lui autorisant sur la voie tracée par le piano des digressions de plus en plus abstraites jusqu’à obtenir un flottement contrôlé de blocs à la dérive qui, loin de cesser au retour

du thème par les saxophones, creusa dans celui-ci des cavernes d’Ali Baba aux scintillantes richesses – dans l’ombre. Shining (Kotsiras) montrait alors comment pouvait se déplacer cet héritage tristanien dans une optique

plus au goût du jour, un jour occupé notamment d’énergie. Non qu’il en manquât en son temps, mais on en mesure d’autant mieux la teneur. La manière dont progressivement le ténor enfla tout en l’espaçant son discours

au gré des montagnes russes d’un thème qui lui-même relançait habilement les dés. Avec une batterie vivante

pour animer les ensembles, jouant des nuances des cymbales, ponctuant de roulements de caisse claire

les nombreuses relances au pied du col, un piano plus attaché à commenter qu’à un discret comping,

une contrebasse fermement assise, ronflant d’aise, le ténor pouvait donner à un discours réfléchi une orientation parfaitement contemporaine, et à mesure qu’il distillait ses notes, la rythmique occupait, profuse, épanouie,

tout l’espace. Le même trio introduisit longuement It’s you (Konitz) avant que le duo de tête ne rejoigne le piano

dans son exposé du thème, formulé enfin explicitement et repris plus tard à trois voix, décalé, en canon, lorsque

le piano les eut rejoints. Entrer dans le détail permettrait peut-être de restituer les constructions savantes

des arrangements, à l’œuvre tout au long, dans les dialogues dilacérés et leur reprise de Wow ! (Tristano),

les allers-retours concertants d’Emelia (Kotsiras) que l’on venait d’entendre à quatre mains (par HasinAkis),

la suave rêverie à deux saxes en prélude au feu d’artifice de Palo Alto avec son duo basse-batterie à découvert

où Tessier lâche ses coups accompagné d’un Chevallier puissant, impavide. En revanche il fallait être là pour se

réjouir de partager avec Kent Carter soi-même son approbation, l’œil brillant, l’engagement de Blaise Chevallier.

Avec un gros son, il avait une façon à lui d’assurer un drive de remorqueur tout en faisant chanter sa contrebasse dans le creux des vagues qui peut-être atteignait des secrets enfouis.

Chaque pièce, à sa façon, illustrait la tension entre ordre et désordre – à condition d’entendre par « désordre »

le simple empilement d’ordres de raisons différentes, lesquels peuvent assurément en se croisant se rejoindre. Proposé pour clore un concert qui se prolongera néanmoins par le Me and you de Lenny Popkin, c’est un titre de

Lee Konitz qui l’illustrera, celui-là même qui donne son nom au quintet : Lennie’s. La scansion martiale qui n’est pas sans rappeler celle qui généralement introduit Cherokee, se poursuivra sans fléchir jusqu’au bout d’un long périple

au cours duquel piano, basse relaieront la batterie pour lui faire une fois encore, émergée, enfouie, toujours active, revêtir des aspects ou des fonctions divers. Libérer fûts et baguettes, ancrer le thème, appeler de forts contretemps sous le soliste et ouvrir par là de nouveaux espaces émancipés – dans lesquels le piano pourra, surprise,

être amené à jouer « cubain » à la suite d’un solo d’alto qui aura poussé du coude les barres de mesure ! –

une façon de réinterpréter la création de lignes de fuites propre aux tristaniens : par la polyphonie et l’usage

des accents. À cet égard, il n’est pas indifférent que ce soit un pianiste des plus rigoureux, voire « sévère »,

qui ait le premier frayé les voies d’un jazz qu’on pourrait qualifier de « free ». Et c’est là, au-delà des évidences –

la formation du quintet et l’obédience west-coast des saxophonistes –, ce qui, plus profondément peut-être,

révèle la vraie raison d’être de Lennie’s : trouver une actualité, en 2022, à cette « école ». Ce Lennie’s enflammé est

la preuve qu’il y a encore bien des choses à soutirer d’une musique qui fut en son temps qualifiée de « fraîche »,

tout en restant fidèle à ses principes directeurs."

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